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ENTREVUE AVEC QUENTIN BRUNO, CHANTEUR, DANSEUR ET COMÉDIEN

Texte : Karine Tessier

Lundi, en début de soirée, au Cabaret Café Cléopâtre. Le musicien montréalais Ian Baird est au piano, alors que les six artistes de la troupe travaillent une chanson du spectacle Naked Boys Singing, dont la première québécoise aura lieu deux jours plus tard, dans le cadre de Fierté Canada Montréal 2017.

Lorsqu’ils débarquent dans une ville pour y présenter leur comédie musicale, les chanteurs, danseurs et comédiens doivent faire de petits ajustements, s’adapter aux lieux, répéter avec le pianiste (un musicien local est choisi pour chaque arrêt de la tournée). Mais, cette fois, à Montréal, les choses se sont compliquées. Deux des membres du groupe ont dû s’absenter pour des raisons familiales et ont été remplacés, seulement 48 heures avant la première représentation devant le public.

« Je n’ai aucun souci, lance en souriant Quentin Bruno, un des interprètes du spectacle, en prenant place à nos côtés le temps d’une brève entrevue. On va travailler demain, on va travailler mercredi matin… Mercredi soir, on aura quelque chose de parfait pour les spectateurs de la métropole. »

Changement de costume

Le Franco-Américain de 27 ans, qui a étudié la danse et le théâtre musical autant aux États-Unis qu’en France, est un touche-à-tout. Il bosse sur les planches, à la télévision, comme mannequin, en plus d’être auteur-compositeur-interprète. Il fait partie de la bande de Naked Boys Singing depuis bientôt un an.

« J’avais déjà fait quelques performances nu, mais c’était des œuvres très contemporaines. Alors, c’était un peu différent, se souvient Quentin Bruno. Les premières fois devant un public, on se demande : oh, mon Dieu, pourquoi je fais ça? Il y a une petite appréhension. Pendant 15 secondes. Et, après, on réalise qu’on est là pour raconter une histoire, et on oublie. La nudité devient notre costume. On s’habitue. Parce que, en fait, on n’est pas dans l’intimité, on est sur une scène. C’est comme aller à une plage naturiste! »

Tous identiques

Si Naked Boys Singing est présenté sur la route depuis un an, il est à l’affiche Off-Broadway depuis 1999. D’abord une comédie, la revue musicale se veut également touchante et nostalgique.

Les six gars de la troupe ne ménagent pas les efforts pour faire rigoler les spectateurs, mais espèrent tout autant faire ressentir des choses à ceux qui viennent les voir. Au fil de la quinzaine de chansons qui composent la pièce, des histoires se développent, des relations naissent. On y parle de désir, d’amour, d’être soi-même.

« C’est vraiment une œuvre universelle, affirme Quentin Bruno. Notre public est, certes, homosexuel, mais on attire toutes sortes de monde. Parce que le but final, c’est de dire : quand on est nus, on est tous identiques. On a tous un corps, on est tous des êtres humains sensibles. »

Naked Boys Singing est-elle donc une création engagée? Le volubile interprète fait une pause, choisit ses mots. « Je ne sais pas si, en lui-même, le spectacle a un message engagé. Je pense que la période et le monde dans lesquels on vit font qu’il est peut-être plus engagé qu’il ne l’était auparavant. »

Pour Orlando

Si la revue présentée ces jours-ci à Montréal n’est pas d’emblée porteuse d’un message politique, elle est on ne peut plus symbolique pour les artistes qui l’interprètent, qui tous vivent ou ont travaillé à Orlando, en Floride, là où, en juin 2016, une fusillade a fait près d’une cinquantaine de morts au Pulse, une boîte de nuit populaire dans la communauté LGBTQ. Une attaque revendiquée par le groupe État islamique.

« C’est un peu un échange culturel commémoratif, explique Quentin Bruno. C’est une façon de ne pas oublier ce drame et aussi de sensibiliser les gens. Qu’il y ait eu des tragédies comme celles du Pulse ou du Bataclan, à Paris, où j’ai vécu, ne doit pas nous empêcher de sortir. Continuons à vivre, à grandir en tant que communauté humaine, à se rassembler, à aller au théâtre, à boire des coups, à voir des choses qui sont belles, à être touchés. Soyons humains. »

Naked Boys Singing, créé par Robert Schrock, mis en scène par Tim Evanicki et produit par Acts to Grind Theatre, est présenté du 16 au 20 août 2017 au Cabaret Café Cléopâtre de Montréal, dans le cadre de Fierté Canada Montréal 2017.

Pour toutes les informations : www.fiertemontrealpride.com/project/naked-boys-singing

Page Facebook officielle de la compagnie Acts to Grind Theater : www.facebook.com/actstogrind

Site Web officiel de Quentin Bruno : www.iamquentinbruno.com

 

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CRITIQUE DE LA LA LAND, DE DAMIEN CHAZELLE

Texte : Véronique Bonacorsi

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Un garçon et une fille tombent amoureux. Quoi de plus banal? L’histoire éternelle se transforme en une œuvre majestueuse et ambitieuse pour la dernière sortie cinématographique du scénariste et réalisateur émergent Damien Chazelle (Whiplash). Véritable chanson d’amour aux arts, La La Land, Pour l’amour d’Hollywood en français au Québec, offre une relation des temps modernes dans une réinvention irrésistible des comédies musicales de l’âge d’or hollywoodien.

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Los Angeles d’aujourd’hui, la cité des étoiles à en devenir. Mia (Emma Stone), une barista qui aspire à devenir actrice, est découragée par sa ribambelle d’auditions vaines. Son chemin croise sans cesse celui de Sebastian (Ryan Gosling), un pianiste de jazz entêté qui tient voracement aux glorieuses années d’une musique oubliée. Dans un monde de dures déceptions et d’obligations, la rencontre de ces réticents amoureux viendra lancer leurs passions respectives dans des firmaments insoupçonnés.

Pour incarner en chanson et en danse ce couple aux ambitions plus grandes que nature, il fallait trouver une paire d’acteurs à la Fred Astaire et Ginger Rogers. La chimie effervescente de Emma Stone et Ryan Gosling – qui se retrouvent en tandem à l’écran pour la troisième fois – combinée à leur talent musical faisaient de ce duo un choix rêvé pour le cinéaste Damien Chazelle. Pour La La Land, les deux ont dû se soumettre à un entraînement intense de trois mois de leçons de chant et de différents types de danse. Gosling a aussi appris à jouer du piano, avec une aise qui a rendu jaloux le musicien de R&B John Legend, qui campe son premier rôle au cinéma. Leurs efforts ont clairement porté fruit, comme en témoignent les plans-séquences des numéros musicaux du film, prouvant que les vedettes n’ont fait appel à aucune doublure lors de ces scènes charnières.

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Le projet de Chazelle, qui n’en est étonnamment qu’à son deuxième long métrage, requérait de plus un univers sonore précis, évoquant toute une gamme d’émotions, passant de l’allégresse à la mélancolie. Ami du scénariste et réalisateur depuis leurs années à Harvard, Justin Hurwitz – qui a collaboré à Whiplash – a composé une trame sonore à la fois accrocheuse et bouleversante. Les mélodies, fondamentalement jazz, s’apparentent beaucoup à celles de Les Parapluies de Cherbourg, du réalisateur français Jacques Demy, une idole de Chazelle et Hurwitz. Avec les paroles sensibles de Benj Pasek et Justin Paul, le spectateur a droit à une œuvre de la trempe des intemporels de Disney.

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Visuellement, La La Land propose un festin coloré et en accord avec le glamour du old Hollywood. Il a même été tourné en CinemaScope! Les costumes sophistiqués de Mary Zophres (True Grit) évoquent les succès des années 1930-1950, les chorégraphies fluides de Mandy Moore (So You Think You Can Dance) s’allient parfaitement aux mouvements de la caméra, et la direction photo de Linus Sandgren capture impeccablement une ville mythique assez surréelle.

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Après six ans de préparation, Damien Chazelle réussit son but, c’est-à-dire créer une œuvre totalement originale, qui rend hommage aux grands classiques comme Singin’ in the Rain. Grâce à une histoire ancrée dans des paramètres très actuels, les manifestations de chant et de danse créent une atmosphère particulière, semblable au réalisme magique en littérature. La La Land, comme ses personnages, suit ses propres règles. Ainsi, le film laisse les spectateurs sur une note inspirante : osez aller au rythme de votre propre mélodie.

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Depuis sa première mondiale au Festival international du film de Venise en août dernier, La La Land s’est mérité plusieurs distinctions. À la 74e soirée des Golden Globes, le 8 janvier dernier, le long métrage a remporté les sept prix pour lesquels il était nommé : meilleur film (comédie ou musical), meilleure réalisation (Damien Chazelle), meilleure actrice (comédie ou musical) (Emma Stone), meilleur acteur (comédie ou musical) (Ryan Gosling), meilleur scénario (Damien Chazelle), meilleure chanson originale (City of Stars, de Justin Hurwitz) et meilleure musique originale (Justin Hurwitz).

La La Land, Pour l’amour d’Hollywood en français, est à l’affiche au Québec depuis le 25 décembre 2016.

Site Web officiel du film : www.lalaland.movie