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Texte : Karine Tessier

Photo : Emily Gan / Danse-Cité.

VEGA, la nouvelle création du chorégraphe et directeur artistique Emmanuel Jouthe, une coproduction de sa troupe Danse Carpe Diem et de Danse-Cité, tient son nom de l’étoile la plus étincelante dans le ciel d’été. Dans cette œuvre, quatre danseurs évoluent, se métamorphosent, tissent et brisent des liens, dans un perpétuel mouvement circulaire. Ils composent une constellation d’astres dont la brillance ne peut être ignorée, mais qui demeurent un mystère à élucider. Avec ce ballet cosmique, l’artiste se questionne sur l’impermanence de l’identité individuelle et collective et pose la question : connaît-on vraiment les gens que nous côtoyons?

Dès les premiers instants du spectacle, les interprètes Élise Bergeron, Rosie Constant, James Phillips et Marilyne St-Sauveur tracent des figures rondes sur les planches immaculées, sous une auréole lumineuse qui fait office de soleil. Ils battent la cadence à l’unisson, le visage quasi imperturbable, simplement rougi par l’effort, sans se toucher ni même prendre conscience de l’existence de l’autre. Puis, au fil des déplacements rotatifs, ils prennent leur envol, s’affirment dans leur unicité, s’attirent et se repoussent. Étoiles ou humains, leur trajectoire de vie est parsemée de rencontres avec des acolytes qu’ils croisent, imitent, soutiennent, abandonnent. Entre ces brèves réunions, les danseurs mettent et enlèvent des accessoires et des pièces de vêtements disposés tout autour de la scène. Leur personnalité se moule à ces costumes. Certaines étoffes briment la liberté d’esquisser des gestes, alors que les chaussures modifient la façon de se mouvoir dans l’espace.

Photo : Emily Gan / Danse-Cité.

En créant cette danse, Emmanuel Jouthe a voulu rendre concret l’espace occupé par l’imaginaire humain. Le public se laisse rapidement prendre au jeu de cette multitude de circonvolutions, rêvant à 1 000 histoires, visitant avec les personnages des territoires jusqu’alors inexplorés et qu’on tente désespérément de défricher, tout en conservant un port d’attache, lien rassurant dans l’univers de tous les possibles. Le travail minimaliste d’Antoine Berthiaume, à la composition musicale, et de Paul Chambers, à la conception des éclairages, accompagne parfaitement ce rituel hypnotique, accompli par des interprètes de talent, qui s’abandonnent volontiers à cette valse étourdissante.

Photo : Emily Gan / Danse-Cité.

VEGA est une œuvre déstabilisante, bouleversante autant par son étrangeté que par sa portée universelle. Au fur et à mesure que les mutations surviennent, les protagonistes sont personne et tout le monde à la fois, déchirés entre l’envie de se faire voir, de se faire reconnaître, et le désir d’anonymat. Seuls ensemble, ils mènent une quête identitaire aussi grisante qu’anxiogène. Quatre êtres réduits au silence, qui évoluent pourtant dans un espace densément peuplé, une image qui trouve écho dans notre société où les fractions sociales pullulent. Avec sa dernière proposition, le chorégraphe et directeur artistique prouve encore une fois qu’il sait reproduire avec justesse sur scène les tourments de l’âme humaine et les complexes rapports qui nous unissent.

VEGA, d’Emmanuel Jouthe, a été présentée au Théâtre Rouge du Conservatoire, à Montréal, du 25 au 28 novembre 2021.

Bande-annonce de VEGA, c’est ici.

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