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CRITIQUE DE JUSTE LA FIN DU MONDE, DE XAVIER DOLAN

Texte : Véronique Bonacorsi
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Rien ne se compare aux douleurs que nous cause la famille. Dans ce qu’il déclare être son « plus beau film », le célébré cinéaste québécois Xavier Dolan explore avec Juste la fin du monde les ravages d’un huis clos familial dont les êtres ne parviennent pas à communiquer.

Le temps d’un après-midi, Louis (Gaspard Ulliel), un dramaturge accompli, retourne voir sa famille, avec laquelle il n’a pas eu de contact en 12 ans. Appréhensions, fébrilité, doutes et tensions accueillent le jeune auteur, qui doit annoncer à sa mère (Nathalie Baye), sa sœur cadette qu’il connaît à peine, Suzanne (Léa Seydoux), son frère colérique, Antoine (Vincent Cassel), et sa belle-sœur qu’il n’a jamais vue, Catherine (Marion Cotillard), que la maladie l’emportera bientôt hors de ce monde.

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Adapter pour le cinéma la pièce dramatique Juste la fin du monde, écrite par Jean-Luc Lagarce, n’est pas immédiatement venu à l’esprit de Xavier Dolan lorsque son amie et régulière collaboratrice Anne Dorval la lui a fait découvrir au début de la décennie. Ce n’est que quelques années plus tard, après le succès de Mommy, que ce texte exempt de didascalies et rempli de costauds monologues allait devenir la prochaine aventure du réalisateur-scénariste-monteur-acteur.

Comme J’ai tué ma mère et Mommy, le petit dernier de Dolan traite des relations familiales conflictuelles. Mais contrairement à ses prédécesseurs, Juste la fin du monde manque quelque peu la cible dans la livraison de son message par l’inclinaison de son réalisateur à vouloir trop en faire. Les gros plans – quoique les images d’André Turpin sont magnifiques – et l’omniprésence de la musique  –  l’œuvre de Gabriel Yared, le même compositeur que pour Tom à la ferme  – tendent à enterrer l’émotion plutôt qu’à l’exacerber. Déjà que les dialogues sont très verbeux, la conjugaison de leur hyperthéâtralité et des procédés cinématographiques crée un certain chaos pour le spectateur non averti.

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Cependant, il faut concéder que ce spectacle exigeant auquel se retrouve confronté le public correspond très justement au climat de tension dans lequel baignent les protagonistes. Heureusement, leurs interprètes démontrent une maîtrise exemplaire de leur jeu. La violence d’Antoine, joué par Vincent Cassel, autant externe qu’interne, trouble. Dans le rôle principal, Gaspard Ulliel a plus à écouter qu’à dire, mais ses regards sobrement remplis de tristesse transpercent l’écran. Et Nathalie Baye nous offre une véritable transformation en mère à la clairvoyance bouleversante, derrière des allures extravagantes.

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Le film ne se traduit donc pas exactement en une expérience agréable au premier abord. Les amoureux de théâtre, ou encore d’anthropologie, apprécieront le travail d’analyse de la gestuelle pour comprendre l’essence de l’œuvre. Mais un constat s’impose à tous : même un auteur, un maître des mots, souffre de cette difficulté de l’humain à communiquer les choses qui lui font mal, les choses les plus vraies.

Projeté en première fois au Festival de Cannes l’an dernier, Juste la fin du monde s’y est vu remettre le Grand Prix, ainsi que le Prix du jury œcuménique. Le 24 février dernier, le long métrage a remporté trois statuettes aux César, en France, soit meilleur réalisateur, meilleur acteur (Gaspard Ulliel) et meilleur montage (Xavier Dolan).

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Juste la fin du monde, de Xavier Dolan, est disponible en DVD au Québec depuis le 7 février 2017. Une œuvre marquante dans la production québécoise 2016, le film est à nouveau présenté en salle aux Rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ), qui ont lieu du 22 février au 4 mars à Montréal.

Pour toutes les infos sur les RVCQ : rvcq.quebeccinema.ca

Site Web officiel du film : fr.justelafindumonde.com

 

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Texte : Véronique Bonacorsi

Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Quelques semaines avant l’ADISQ, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique s’est réunie pour célébrer les succès de ses membres. Pas moins de 45 trophées ont été remis le soir du 12 septembre, au Métropolis de Montréal, à une sélection d’artisans contribuant à la musique au pays. Une grande réunion de famille pas trop formelle où tous les invités sont gagnants.

Ariane Moffatt, auteure-compositrice de l'année. Photo : Benoît Rousseau.

Ariane Moffatt, auteure-compositrice de l’année. Photo : Benoît Rousseau.

Dix Prix Chansons populaires (francophones) ont été décernés. Parmi eux, Ariane Moffatt pour Debout, qui, pour reprendre les mots de l’artiste, n’est pas une chanson portant sur sa personne seule qui « se roule dans sa shit », mais plutôt sur la ténacité du couple. Moffatt a aussi été sacrée Auteure-compositrice de l’année, un accomplissement que la chanteuse attribue à sa virée pop.

Jean Leloup. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Jean Leloup. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Paradis City de Jean Leloup, favorite incontestée des radios, s’est mérité le même honneur, tout comme L’Amour est un monstre par les hommes de Valaire et Karim Ouellet, qui ont envahi la scène pour accepter leur prix et se lancer dans une prestation improvisée de Dégénération, un peu au désarroi de l’animateur de la soirée, le chanteur Stéphane Archambault de Mes Aïeux, qui tenait à ce l’on maintienne un certain décorum… Son appel ne semble pas avoir été entendu par les contributeurs de Fanny venus récolter leur trophée, Alex Nevsky et Yann Perreau, responsable de la mise en scène du gala, qui se sont mis à se relancer des obscénités à la blague.

High Klassified est reparti avec le Prix Musique électronique. Photo : Benoît Rousseau.

High Klassified est reparti avec le Prix Musique électronique. Photo : Benoît Rousseau.

 

Le chanteur Wesli, qui s'est vu remettre le Prix Hagood Hardy, dans la catégorie musique du monde. Photo : Benoît Rousseau.

Le chanteur Wesli, qui s’est vu remettre le Prix Hagood Hardy, dans la catégorie musique du monde. Photo : Benoît Rousseau.

Pour leurs prouesses à l’étranger, Coeur de Pirate et Grimes ont partagé le Prix international, dont les remerciements préenregistrés ont été relayés par vidéo. Carry On (Oublie-moi) de Coeur de Pirate s’est aussi valu un Prix Chanson populaire.

Le groupe Loud Lary Ajust a remporté le prix Musique urbaine. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Le groupe Loud Lary Ajust a remporté le Prix Musique urbaine. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

La SOCAN a récompensé plusieurs productions audiovisuelles : 30 vies, 19-2, Salmigondis, Food Factory en font partie, ainsi que Eduardo Noya Schreus pour le film Mommy. « Wow! Je savais pas que mon accent était si fort! », s’est exclamé le compositeur d’origine péruvienne en montant sur scène après la vidéo d’introduction où il expliquait son travail.

Le gagnant de "La Voix" Yoan a reçu le Prix Musique country. Photo : Benoît Rousseau.

Le gagnant de « La Voix » Yoan a reçu le Prix Musique country. Photo : Benoît Rousseau.

Un nouveau prix cette année, celui de l’éditeur de l’année, a été remis à Ho-Tune. Comme l’a rappelé la chef des affaires au Québec pour la SOCAN, Geneviève Côté, l’édition de la musique, ou tout ce qui touche à sa gestion, est souvent un rôle oublié, mais il s’avère essentiel à la survie des artistes.

Safia Nolin, lauréate du Prix Révélation. Photo : Benoît Rousseau.

Safia Nolin, lauréate du Prix Révélation. Photo : Benoît Rousseau.

Sur le thème de la nouveauté, Safia Nolin, qui a remporté le Prix Révélation pour 2016, a adorablement entamé son discours : « Allô, c’est gênant. J’ai envie de pipi », avant de lire les notes écrites sur sa main. Du côté des vétérans, Alain Chartrand s’est valu un Prix Hommage – et une chaude ovation! – pour son implication dans le festival Coup de cœur francophone.

Loud Lary Ajust, Klô Pelgag et Pierre Kwenders. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Loud Lary Ajust, Klô Pelgag et Pierre Kwenders. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Bien sûr, un gala sans performances musicales ne serait sans doute pas un gala réussi. De ce côté, le public a été assez choyé. La première prestation de la soirée réunissait Klô Pelgag, Pierre Kwenders et Loud Lary Ajust pour une intéressante reprise de Le Début d’un temps nouveau de Stéphane Venne, récipiendaire du Prix Empreinte culturelle. Dans ses remerciements, Venne a souligné qu’il avait écrit cette chanson il y a 46 ans, afin de documenter, en quelque sorte, la vie en 1970. « Écrivez pour la personne qui écoute », a-t-il conseillé à ses pairs aspirant à la longévité.

Le Prix Empreinte culturelle a été remis à Stéphane Venne. Photo : Benoît Rousseau.

Le Prix Empreinte culturelle a été remis à Stéphane Venne. Photo : Benoît Rousseau.

Roch Voisine a demandé au public de l’accompagner pour le refrain de Ma Mère chantait toujours, honorant le Classique de la SOCAN composé par Luc Plamondon et François Cousineau. Rigolant, Plamondon n’a pu s’empêcher de noter : « Ils me donnent la même photo depuis 20 ans! », désignant l’image ornant son trophée. Mais lorsqu’il est retourné sur scène pour Piaf chanterait du rock, un autre Classique, son message se voulait plus sérieux. Il accuse les radiodiffuseurs et télédiffuseurs d’ici de ne pas donner une assez grande place à la francophonie au profit des œuvres anglophones.

Éric Lapointe. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Éric Lapointe. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Un medley des désormais Classiques d’Éric Lapointe a été interprété : Fanny Bloom a démontré sa puissance vocale sur Terre promise (poussé par le vent), Matt Holubowski a fait ressortir la douce douleur de N’importe quoi,  et King Melrose a su donner du groove à Marie Stone. Preuve de la popularité de l’artiste, lorsque Lapointe s’est levé pour récupérer ses honneurs, toute la salle s’est mise à chanter N’importe quoi.

Richard Séguin. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Richard Séguin. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

Un moment attendu de ce gala était l’hommage rendu à Richard Séguin, lauréat du Prix Excellence. Se sont joints Patrice Michaud, Elisapie Isaac, Luce Dufault, Coral Egan et Pierre Flynn pour une performance des grands succès de l’artiste, devant un montage photo de ce dernier. Le prix a été remis à Séguin par son ami Gilles Valiquette, membre du conseil d’administration de la SOCAN. L’homme a livré un discours parfois humoristique (« Un 45 tours, c’est comme un MP3 en plastique », a-t-il expliqué à la relève), mais aussi inspirant. Son travail prend tout son sens si des gens parviennent à y trouver des repères émotifs.

L'animateur de la soirée Stéphane Archambault pendant l'hommage rendu à la formation Les Colocs. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

L’animateur de la soirée Stéphane Archambault pendant l’hommage rendu à la formation Les Colocs. Photo : Frédérique Ménard-Aubin.

L’hommage rendu aux Colocs, dont cinq chansons se sont vu décerner le titre de Classique de la SOCAN, constituait un autre moment fort de la célébration. Avec un plaisir apparent, Stéphane Archambault lui-même a lancé le pot-pourri, suivi de Jonathan Painchaud – qui a prouvé les talents d’élocution de Dédé Fortin en s’enfargeant dans sa langue –, Philippe Brach, 2Frères et Alexe Gaudreault. Puis, les coauteurs de Juste une p’tite nuite ont témoigné du pouvoir catalyseur de leur défunt leader, rendu immortel grâce à l’organisme hôte. Réal et Sylvie Fortin, frère et sœur du chanteur, ont déploré l’absence de ce dernier, qui n’a pas eu la chance de monter sur cette scène, contrairement à tous les autres dans la salle. La sœur de Dédé a demandé aux gens de chercher de l’aide s’ils avaient des idées suicidaires. C’est sur cette note sombre que s’est terminée la soirée… avant que l’animateur invite tout le monde au buffet de burgers, grilled cheese et poutine bien arrosés!

Pour connaître tous les récipiendaires du Gala de la SOCAN 2016 et en savoir plus sur l’organisme : www.socan.ca/fr