Articles Tagués ‘Cinémathèque québécoise’

Texte : Karine Tessier

Après avoir été projeté en première mondiale au dernier Festival international du film sur l’art à Montréal, le documentaire Libre d’Hélène Bélanger-Martin sort en salles au Québec. Dans ce neuvième film, la cinéaste suit pendant un an le sculpteur et peintre André Desjardins dans la réalisation d’une œuvre colossale. Un moyen métrage intimiste, qui révèle toute la beauté de la création et des liens humains tissés grâce à elle.

Libre, c’est également le nom d’un personnage sculpté par André Desjardins, un être, comme l’explique son créateur, ancré dans le moment présent. Un an après la naissance de cet homme de bronze aux traits sereins, l’artiste décide d’en faire une version monumentale, de deux fois la taille d’une personne, un format qui révèlera encore davantage la puissance tranquille de l’œuvre. Il se donne un an pour accomplir sa besogne.

C’est cette aventure artistique, mais aussi humaine qui est illustrée par le film d’Hélène Bélanger-Martin. Un processus qui n’est pas dépourvu de rationalité, découpé en de multiples étapes, toutes cruciales et nécessitant une patience sans faille. De la numérisation des croquis à l’installation sur les berges du lac Memphrémagog, en passant par l’impression en 3D d’une armature et la correction d’erreurs de proportions, chaque instant fascine.

Les scènes dans lesquelles André Desjardins réfléchit, scrute, façonne, polit, retouche son personnage sont magnifiques dans leur simplicité. Dépouillées de tout artifice, ces séquences sont entrecoupées de plans de la nature québécoise dans ce qu’elle a de plus beau à offrir. Quelques mélodies minimalistes signées Nicolas Marquis se greffent à l’ensemble et ajoutent à l’état méditatif dans lequel nous plonge Libre.

On ne peut qu’être impressionné par le talent de l’artiste, un sculpteur et peintre autodidacte, passionné depuis l’enfance par la construction, le design et l’art. On est tout autant touché par ses souvenirs de jeunesse, souvent heureux, mais parfois tragiques, et les confidences d’un de ses plus fidèles amis et de collectionneurs dévoués.

Pas étonnant qu’Hélène Bélanger-Martin ait su aussi bien nous présenter l’artiste et l’homme qu’est André Desjardins. D’abord, il est son conjoint depuis de nombreuses années. Ils se connaissent par cœur. Mais la cinéaste est également une passionnée d’art, tellement qu’elle a ouvert la Galerie Roccia, à Magog, il y a maintenant plus de 10 ans. Son amour indéfectible pour la création visuelle se remarque tout autant dans sa filmographie, dans laquelle on retrouve de multiples courts métrages documentaires consacrés aux artistes et à leurs méthodes de travail.

Pour André Desjardins, créer, c’est le bonheur. On ne pourrait être plus d’accord. En assistant à la naissance de son œuvre plus grande que nature dans Libre, on se sent privilégié, ému, avec un désir renouvelé de découvrir le travail de nos artistes québécois.

Libre d’Hélène Bélanger-Martin est présenté du 13 au 19 avril à la Cinémathèque québécoise de Montréal, puis en tournée partout dans la Belle Province. Pour les dates, on consulte le site d’André Desjardins ici.

Pour voir la bande-annonce du documentaire, c’est ici.

Pour visionner gratuitement certains des films d’Hélène Bélanger-Martin, notamment Émotionnisme et Devenir, qui mettent aussi en vedette André Desjardins, c’est ici.

Pour en savoir plus sur la Galerie Roccia, c’est ici.

Texte : Karine Tessier

Alors que la douceur du printemps nous remonte le moral et que les mesures sanitaires liées à la COVID-19 s’allègent, la 38e édition du Festival international de cinéma Vues d’Afrique de Montréal bat son plein! Pour son retour en salles, l’événement propose, du 1er au 10 avril, 118 films produits par 44 pays, dont 30 % ont été réalisés par des femmes. C’est donc un rendez-vous à la Cinémathèque québécoise, pour savourer des courts, moyens et longs métrages, de la fiction, des documentaires et des œuvres d’animation. Entre deux projections, on fait un détour par Le Baobar, le temps de prendre un verre, assister à un spectacle de musique ou d’humour et déguster la poutine africaine créée par le chef Edmond, du restaurant et traiteur Diolo.

Fragments Urbains a vu, pour vous…

Ayam

En arabe, « ayam » signifie « des jours ». Dans ce superbe court métrage signé par la Marocaine Sofia El Khyari, on suit les préparations pour la fête de l’Aïd al-Adha, la plus importante célébration dans la religion musulmane. Tout en faisant la cuisine, trois générations de femmes se racontent : la volonté de la grand-mère d’apprendre à lire et à écrire, à une époque où c’était mal vu pour une jeune fille de fréquenter l’école, l’histoire d’amour avec le grand-père… Un récit de famille tissée serrée, de tradition et de résilience, illustré par des dessins aux riches coloris, couchés sur du papier kraft. Rien d’étonnant à ce que les films de cette créatrice de talent aient été récompensés dans de nombreux festivals, un peu partout sur la planète.

Présenté dans un programme de courts métrages, le 2 avril.

Autrement d’ici

Lénine Nankassa Boucal, d’origine sénégalaise, a choisi de s’établir à Rimouski, il y a plusieurs années. Aujourd’hui, il est coordonnateur du Cabaret de la diversité, qu’il a fondé, une initiative pour favoriser le vivre-ensemble dans cette municipalité du Bas-du-Fleuve. Dans ce moyen métrage, il se confie sur sa vie dans la Belle Province et nous présente deux de ses concitoyens, Shanti Park, de la Corée, et Moustapha Ndongo, du Sénégal. Avec son documentaire, le sympathique cinéaste souhaite montrer que les immigrants s’intéressent à la culture du Québec et que celui-ci est ouvert à l’intégration des nouveaux arrivants.

On est vite touchés par les confidences de Lénine, Shanti et Moustapha, qui ont trouvé ici de nouveaux amis, mais qui se sont surtout découvert de nouveaux talents et des forces insoupçonnées. Des propos empreints d’humour et de sagesse, illustrés par les magnifiques images de cette région de l’est de la province, signées Philippe Chaumette. À voir absolument.

Présenté le 2 avril.

Balalaïka

Sur le rythme de Kalinka d’Ivan Larionov, classique folk russe du 19e siècle, une femme vit de bien étranges hallucinations… après avoir dégusté un poulet rôti! On rigole franchement devant les expressions tantôt abasourdies, tantôt horrifiées de l’héroïne. Un très court film, à peine deux minutes, franchement réjouissant, réalisé par la talentueuse cinéaste et illustratrice égyptienne Maii Mohamed Abd Ellatif. On en aurait pris bien plus!

Présenté dans un programme de courts métrages, le 2 avril.

La Danse des béquilles

Chaque matin, Penda se rend à Dakar pour mendier, pour aider sa mère à faire vivre la famille. Assise dans son fauteuil roulant, les écouteurs sur les oreilles, elle ondule au rythme de la musique et sourit, exultant la joie de vivre. Rêvant de devenir danseuse professionnelle, elle voit dans sa rencontre avec un jeune chorégraphe la chance d’atteindre son objectif. Mais, pour ce faire, elle devra surmonter bien des obstacles, notamment son handicap et l’attitude autoritaire de sa mère, autrefois elle-même artiste.

Ce court métrage du Sénégalais Yoro Niang est une histoire d’amour… pour la danse, narrée au son des tambours et de la kora. On y constate la puissance de l’art dans l’émancipation d’une femme victime de préjugés, tout autant que dans la réconciliation des membres d’une famille brisée.

Dans les rôles de Penda et de sa mère, Dème Coumba et Mbaye Awa sont sublimes. Ces grandes interprètes nous livrent des personnages complexes, parfois durs, mais qui irradient la grâce et la beauté. Mentionnons que la musique du film a été composée par Didier Awadi, membre fondateur du groupe hip-hop Positive Black Soul, bien connu des Montréalais.

Présenté le 2 avril.

Bande-annonce ici.

Dans les mains de Dieu

Quand Samir, qui travaille dans une boutique d’électronique, a besoin de repos, il oublie son téléphone et va marcher dans le désert marocain. Cette fois, il part à la recherche de son pote Saïd, sans garantie de le retrouver. Sur le chemin, il fait des rencontres, raconte de savoureuses anecdotes de tournage, se confie sur ses maints échecs professionnels et se livre à l’introspection.

Le réalisateur Mohamed Rida Gueznai a tourné son premier film à l’âge tendre de 12 ans, avec pour tout équipement un téléphone portable. Lauréat, en 2019, de plusieurs prix pour son court métrage documentaire Le Vieil Homme et la montagne, présenté dans 24 pays, il récidive avec un excellent premier long métrage, Dans les mains de Dieu, un road movie avec, comme vedette, un homme au cœur d’or et à l’esprit bohème, nostalgique d’un temps où les gens ne dépendaient pas des nouvelles technologies. Le cinéaste, aidé de son collègue Mohamed Reda Kouzi, signe une direction photo spectaculaire, qui sublime les beautés du pays de l’Afrique du Nord. Un artiste à surveiller.

Présenté le 2 avril.

Pour toutes les informations, c’est ici.

Texte : Karine Tessier

L’affiche de la 34e édition de Vues d’Afrique, une oeuvre de Mucyo, artiste lauréat du concours d’illustration 2018.

La 34e édition du Festival international de cinéma Vues d’Afrique bat son plein à Montréal du 13 au 22 avril 2018. Le plus grand événement du genre consacré au continent africain et à sa diaspora propose aux cinéphiles 88 films de 33 pays, mais également des concerts, des découvertes gastronomiques, des expositions d’arts. Incursion dans la programmation de cette célébration incontournable de la diversité.

Vous appréciez les courts et longs métrages africains, mais admettez en connaître bien peu sur l’industrie cinématographique de ce continent? Trois documentaires vous permettront d’en comprendre les rouages. Dans Écran à fric, écran magique, de Cédric Souaille, projeté en première mondiale, on s’interroge sur le phénomène Nollywood, la prolifique industrie du cinéma nigériane. Dans Destin commun, hommage à trois éclaireurs du septième art, de Stéphane Vieyra, on s’intéresse à l’histoire du cinéma africain, à travers le parcours de trois de ses pionniers : Jean Rouch, Paulin Soumanou Vieyra et Ousmane Sembène. Finalement, dans Tahar Chériaa, à l’ombre du baobab, de Mohamed Challouf, on dresse le portrait du père du panafricanisme cinématographique. Soulignons qu’une exposition sur le cinéaste-ethnologue Jean Rouch est en plus présentée à la Cinémathèque québécoise pendant le festival.

Du côté de la fiction, vous devez voir la comédie parisienne La Vie de château, de Modi Barry et Cédric Ido. Vous y suivrez l’élégant Charles, chef d’un groupe de rabatteurs embauchés par des salons de coiffure afro pour attirer de nouveaux clients, qui rêve de lancer son propre commerce.

Si vous préférez les drames, I Am Not a Witch, de Rungano Nyoni, est un must. On y raconte l’histoire bouleversante d’une fillette de neuf ans accusée de sorcellerie par les habitants de son village et envoyée dans un camp de sorcières.

Les plus petits et les plus grands apprécieront le film d’animation camerounais Minga et la cuillère cassée, de Claye Edou. Minga, c’est une jeune orpheline qui vit chez une femme acariâtre.

Passionnés d’arts engagés, on vous propose le documentaire Burkinabè Rising, l’art de la résistance au Burkina Faso, d’Iara Lee. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, une communauté d’artistes et de citoyens résiste et demande des changements politiques, de façon pacifique.

Dans Aziz’Inanga, éclipse du clair de lune, d’Alice Aterianus-Owanga, projeté en première internationale, on dresse le portrait de cette influente chanteuse, qui mêlait rythmes traditionnels, jazz et pop. Celle qui a connu la gloire des années 1970 à 1990 est disparue de la scène musicale de façon brutale il y a 20 ans, un mystère que la documentariste tente de percer.

Profitez de votre passage au festival pour vous détendre au Baobar, situé à la Cinémathèque québécoise. Pendant la durée des festivités, vous y trouverez des traiteurs haïtien et africain, des spectacles de musique, ainsi qu’une sélection de courts métrages de réalité virtuelle. Ces films vous plongeront, entre autres, dans un festival d’arts de rue au Ghana et une zone de guerre du Sud-Soudan.

Vues d’Afrique, c’est aussi le Rallye-Expos, un parcours d’arts visuels à découvrir gratuitement un peu partout dans la métropole jusqu’au 30 juin prochain. Ce mois-ci, il vous sera notamment possible de visiter une exposition photo au Consulat général d’Égypte et d’apprécier le talent de photographe du rappeur Samian à La TOHU.

Pour toutes les informations sur le Festival international de cinéma Vues d’Afrique et sa programmation, rendez-vous au : www.vuesdafrique.com

CRITIQUE DE LE CHANTIER DES POSSIBLES DE ÈVE LAMONT

Texte : Véronique Bonacorsi

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Qu’il s’agisse d’agriculture alternative ou de l’esclavage de l’industrie du sexe, le cinéma engagé d’Ève Lamont se soucie des réalités sociales oppressantes. Dans son dernier film, Le Chantier des possibles, la cinéaste présente une inspirante histoire de solidarité, celle des citoyens d’un quartier dont l’identité est menacée par la gentrification.

La réalisatrice Ève Lamont. Photo : Jacques Nadeau.

La réalisatrice Ève Lamont. Photo : Jacques Nadeau.

Depuis qu’Ève Lamont connaît Pointe-Saint-Charles, elle a toujours été impressionnée par une caractéristique intrinsèque au quartier montréalais : l’engagement de ses résidants. Ce secteur du sud-ouest, surnommé affectueusement « La Pointe », a connu plusieurs épisodes de mobilisation citoyenne. Lorsque l’Opération populaire d’aménagement est née en 2004, visant à lutter pour des outils et des aménagements mieux adaptés à sa clientèle, la nécessité de documenter ces histoires d’un peuple souvent démuni, mais fier, s’est imposée. Pendant 10 ans, jusqu’en juin de cette année, la réalisatrice et camérawoman s’est immiscée dans la communauté de Pointe-Saint-Charles, captant ses incessants combats.

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Avec la multiplication des projets immobiliers hors de prix et l’explosion du coût de la vie, l’embourgeoisement apparemment inévitable de La Pointe menace le bien-être de ses habitants. Mais ces derniers, aux racines ouvrières et au prompt militantisme, se tiennent debout, encore et toujours. Le Chantier des possibles retrace les pas de la tradition communautaire de Pointe-Saint-Charles, suivant particulièrement deux projets : la Cité des bâtisseurs, une résidence communautaire pour aînés, ainsi que le plan du Collectif 7 à nous pour transformer le Bâtiment 7, un ancien édifice du CN, en un lieu multifonctionnel pour et par les citoyens. Derrière les murs des condos qui se dressent et le patrimoine qui risque de s’écrouler, se manifeste une courageuse humanité.

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Le film d’Ève Lamont, qui a aussi exercé les rôles de scénariste et de directrice photo, présente un regard personnel qui devient celui du spectateur. Le combat de Pointe-Saint-Charles devient notre combat. Telles des diapositives, le côté historique du documentaire défile clairement à un rythme précis et régulier, qui pourrait lui valoir une place en musée.

Ce sont les protagonistes de Le Chantier des possibles qui laissent la plus forte impression. À contre-courant des tendances urbaines déconnectées de la réalité, confrontés à des obstacles administratifs, à la défense des gens sans ressources, ils font constamment preuve d’entraide et de détermination à préserver leur village et leurs valeurs. Une belle leçon d’engagement pour le bien commun.

Le Chantier des possibles est à l’affiche à la Cinémathèque québécoise, à Montréal, depuis le 18 octobre 2016.

Pour être informé des prochaines projections du documentaire de la cinéaste Ève Lamont, consultez la page Facebook officielle du film : www.facebook.com/chantierdespossibles

Le chantier des possibles / Bande-annonce from Rapide Blanc on Vimeo.