CRITIQUE DE LE CHANTIER DES POSSIBLES DE ÈVE LAMONT
Texte : Véronique Bonacorsi
Qu’il s’agisse d’agriculture alternative ou de l’esclavage de l’industrie du sexe, le cinéma engagé d’Ève Lamont se soucie des réalités sociales oppressantes. Dans son dernier film, Le Chantier des possibles, la cinéaste présente une inspirante histoire de solidarité, celle des citoyens d’un quartier dont l’identité est menacée par la gentrification.
Depuis qu’Ève Lamont connaît Pointe-Saint-Charles, elle a toujours été impressionnée par une caractéristique intrinsèque au quartier montréalais : l’engagement de ses résidants. Ce secteur du sud-ouest, surnommé affectueusement « La Pointe », a connu plusieurs épisodes de mobilisation citoyenne. Lorsque l’Opération populaire d’aménagement est née en 2004, visant à lutter pour des outils et des aménagements mieux adaptés à sa clientèle, la nécessité de documenter ces histoires d’un peuple souvent démuni, mais fier, s’est imposée. Pendant 10 ans, jusqu’en juin de cette année, la réalisatrice et camérawoman s’est immiscée dans la communauté de Pointe-Saint-Charles, captant ses incessants combats.
Avec la multiplication des projets immobiliers hors de prix et l’explosion du coût de la vie, l’embourgeoisement apparemment inévitable de La Pointe menace le bien-être de ses habitants. Mais ces derniers, aux racines ouvrières et au prompt militantisme, se tiennent debout, encore et toujours. Le Chantier des possibles retrace les pas de la tradition communautaire de Pointe-Saint-Charles, suivant particulièrement deux projets : la Cité des bâtisseurs, une résidence communautaire pour aînés, ainsi que le plan du Collectif 7 à nous pour transformer le Bâtiment 7, un ancien édifice du CN, en un lieu multifonctionnel pour et par les citoyens. Derrière les murs des condos qui se dressent et le patrimoine qui risque de s’écrouler, se manifeste une courageuse humanité.
Le film d’Ève Lamont, qui a aussi exercé les rôles de scénariste et de directrice photo, présente un regard personnel qui devient celui du spectateur. Le combat de Pointe-Saint-Charles devient notre combat. Telles des diapositives, le côté historique du documentaire défile clairement à un rythme précis et régulier, qui pourrait lui valoir une place en musée.
Ce sont les protagonistes de Le Chantier des possibles qui laissent la plus forte impression. À contre-courant des tendances urbaines déconnectées de la réalité, confrontés à des obstacles administratifs, à la défense des gens sans ressources, ils font constamment preuve d’entraide et de détermination à préserver leur village et leurs valeurs. Une belle leçon d’engagement pour le bien commun.
Le Chantier des possibles est à l’affiche à la Cinémathèque québécoise, à Montréal, depuis le 18 octobre 2016.
Pour être informé des prochaines projections du documentaire de la cinéaste Ève Lamont, consultez la page Facebook officielle du film : www.facebook.com/chantierdespossibles
Le chantier des possibles / Bande-annonce from Rapide Blanc on Vimeo.