CRITIQUE DE CATIMINI, DE NATHALIE ST-PIERRE

Texte : Karine Tessier

« Six ans, et toute une vie dans deux sacs de vidanges. » C’est ainsi que Réjeanne (Isabelle Vincent), une mère de famille d’accueil, résume la courte existence de Cathy (touchante Émilie Bierre), une blondinette de six ans qui emménage chez elle et son mari Raynald Bilodeau (Roger La Rue).

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Puis, c’est de la rebelle Kayla (Joyce Tamara-Hall), 12 ans, dont on fait la connaissance. D’abord, chez les Bilodeau. Ensuite, dans un foyer de groupe où elle côtoie des adolescentes beaucoup plus dégourdies et intempestives. Mégane (intense Rosine Chouinard-Chauveau), 16 ans, est l’une d’entre elles. Après une énième fugue, elle atterrit en arrêt d’agir, une sorte de retraite fermée. Et il y a Manu (très juste Frédérique Paré), 18 ans, qui doit quitter le centre jeunesse pour son premier appartement. En guise de cadeau d’anniversaire, une toute nouvelle liberté. Mais qui, elle le réalisera vite, rime bien plus souvent qu’autrement avec la solitude.

Ces quatre jeunes prises en charge par la Direction de la protection de la jeunesse se retrouveront à l’occasion d’une fête organisée pour le couple Bilodeau, chez qui elles ont toutes séjourné, à un moment ou à un autre de leur parcours difficile. Un couple qui, durant 15 ans, a ouvert sa porte à une centaine d’enfants.

Le dénouement, inattendu et inexpliqué, laisse un goût amer. L’histoire de ces enfants n’a rien d’un conte de fées. Mais la finale, tragique, est davantage une note discordante dans une mélodie mélancolique, certes, mais néanmoins empreinte d’une émouvante beauté.

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Dix ans après son premier long métrage, Ma voisine danse le ska, la réalisatrice et scénariste québécoise Nathalie St-Pierre continue d’explorer les thèmes de l’isolement, de l’attachement et du deuil sous toutes ses formes.

Dans Catimini, la cinéaste nous offre quatre portraits différents, quatre destins singuliers. Pourtant, il pourrait s’agir ici de la même enfant, à différentes étapes de sa vie. Elles souffrent toutes du même mal, mais le vivent chacune à leur manière. Certaines s’isolent, d’autres explosent, et d’autres encore se fabriquent des souvenirs heureux.

La révolte et la violence sont-elles des passages obligés? Peut-on arriver à s’ouvrir et à aimer après avoir connu l’horreur? Est-il possible de trouver le bonheur à travers les dédales des services sociaux? Des questions soulevées par St-Pierre, mais qui restent sans réponses. Parce qu’il ne semble pas y avoir de « bonnes » réponses à ces interrogations. Mais surtout parce que la réalisatrice a choisi de ne pas prendre parti.

Certes, la cinéaste pose un regard empathique sur ses jeunes sujets. Mais son long métrage n’est ni un pamphlet ni le procès du système québécois. Il est davantage un état des lieux où grandissent des dizaines de milliers d’enfants et adolescents. Des endroits dont la froideur est exacerbée par les tonalités fades des images du film.

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Cette exploration des divers milieux de vie de la DPJ que nous offre Catimini se fait toujours du point de vue des jeunes. Pas une scène où on ne ressent ni leur malaise, ni leur peur, ni leur colère. Des effets amplifiés par la mise en scène claustrophobe de St-Pierre, très réussie, qui multiplie les gros plans sur ces petits visages tantôt impassibles, tantôt détruits.

En résulte un long métrage pessimiste, mais moins sombre que l’est le 10 ½ de Podz. En effet, il y a, dans le Catimini de Nathalie St-Pierre, une note d’espoir, si infime soit-elle. Parce que tout n’est pas joué quand on n’a que 16 ans. Peu importe le nombre de fois qu’on trébuche, se relever restera toujours une possibilité.

L’œuvre a remporté le Valois d’or au cinquième Festival du film francophone d’Angoulême en France en 2012, et vient d’être présentée une dernière fois en salle aux Rendez-vous du cinéma québécois à Montréal. Catimini est déjà disponible en DVD.

Page Facebook officielle du film: https://www.facebook.com/pages/Catimini-le-film/473810715971908

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