Texte : Karine Tessier

Dans L’invention de la solitude, Paul Auster écrit : « Le simple fait d’errer dans le désert n’implique pas l’existence de la terre promise. » Terre promise. Lieu rêvé et fantasmé. Endroit de tous les possibles et de tant d’espoirs. Chacun à sa manière tente de trouver son chez-soi, là où tisser des liens, s’épanouir et trouver le bonheur.

Qu’arrive-t-il lorsque la société qu’on a idéalisée n’a que le doute, le désenchantement ou le regret à nous offrir? Lorsque le pays qu’on a choisi devient territoire hostile? C’est à ces questions que s’attardent ces courts métrages québécois, déjà projetés au Cinéma Excentris de Montréal sous le thème « Terre Promise », maintenant offerts en vidéo sur demande sur le site du distributeur Les Films du 3 mars. Tour d’horizon de ces histoires de quête.

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Sanctuaire d’Andreas Mendritzki

Dans une église convoitée par des promoteurs immobiliers, un prêtre (superbe Gabriel Arcand) accueille une famille d’immigrants illégaux menacés d’expulsion. Le lieu de culte devient alors milieu de vie, de travail, école et cour de récréation. Les chants religieux cèdent leur place aux berceuses espagnoles et aux jeux d’enfant, dont l’écho se réverbère sur les parois austères de ce temple désert, délaissé par les « pure laine ».

Le film d’Andreas Mendritzki, à la sublime photographie, en est un de contrastes. L’église y est présentée à la fois comme un symbole de réclusion et de liberté pour ces nouveaux arrivants, qui risquent la déportation sitôt le pied mis hors de ces murs de pierre. Et le catholicisme semble autant une croyance d’une époque révolue qu’un ensemble de valeurs des plus actuelles. Une réflexion dans l’air du temps, au moment où le débat sur la laïcité enflamme les Québécois et défraie les manchettes.

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Saison sèche de Diego Rivera-Kohn

Domingo (magnifique Don Juan Herrera) est un homme brisé, usé par le soleil et par la vie. Les seules compagnes de route de ce fermier indigène, dont la femme vient de mourir : une bouteille et une machette. Quelque part entre le désespoir et le délire, le vieillard erre et importune quiconque croise son chemin.

Très beau film sur l’isolement et le deuil, Saison sèche est dépourvu de tout misérabilisme. La réalisation de Diego Rivera-Kohn, sobre et élégante, oppose la fragilité de Domingo et le décor grandiose, tout de roc et de lumière crue, de la région d’Oaxaca au Mexique. Une œuvre bouleversante devant laquelle nul ne saurait rester insensible.

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Une chanson d’hiver d’Aonan Yang

Dans le bureau du médecin, Zhang, propriétaire d’un dépanneur, est désemparé. Lentement, il glisse une vieille radiographie dans une enveloppe brune couverte de caractères chinois. Le mal qui l’a accablé il y a 20 ans est-il revenu le hanter? Voulant épargner sa famille, l’homme choisit de souffrir en silence. Et au poids des responsabilités qui pèse sur ses épaules, s’ajoute alors celui du secret.

Étonnante que cette œuvre d’Aonan Yang. Avec bien peu de choses, le cinéaste nous transmet ce sentiment d’étouffement, cette peur qui paralysent le mari et père de famille. Quelques notes de piano, de longs corridors aux teintes délavées. Les petits gestes du quotidien qui revêtent un tout autre sens lorsqu’accomplis sous la menace de la maladie. Une illustration sensible des sacrifices faits par les immigrants de première génération pour assurer un avenir meilleur à leurs enfants.

Site Web officiel des Films du 3 mars : http://www.f3m.ca/

Site Web de la vidéo sur demande des Films du 3 mars : http://www.f3msurdemande.ca/

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