CRITIQUE DE MAPS TO THE STARS de DAVID CRONENBERG
Texte : Véronique Bonacorsi
« Cronenberg est de retour! », aurait-on entendu lors du lancement, à Cannes, de Maps to the Stars. Le réalisateur David Cronenberg a été, ces dernières années, la proie des critiques pour la « mollesse » de ses projets, lui dont la réputation mondiale repose d’abord sur ses films d’horreur, tels Scanners ou The Fly. Il aura fallu la fable hollywoodienne tordue de Bruce Wagner, qui a écrit la première ébauche il y a une vingtaine d’années, pour que l’on puisse percevoir de nouveau l’étincelle distinctive du cinéaste canadien.
Sous les feux des projecteurs éphémères de Los Angeles, orbitent des personnages en mal d’attention. L’actrice Havana Segrand (Julianne Moore) veut désespérément décrocher le rôle dans le remake du film qui a propulsé sa défunte mère (Sarah Gadon) à la notoriété. Elle engage une assistante, Agatha (Mia Wasikowska), une jeune femme mystérieusement défigurée. Mais les motivations de cette dernière consistent avant tout à réintégrer le cercle familial duquel elle a été chassée : le Dr Stafford Weiss (John Cusack), un coach de vie pour célébrités, Cristina (Olivia Williams), la mère gérante de la carrière de son fils, et Benjie (Evan Bird), acteur adolescent au comportement trouble. Une quasi-tragédie grecque mettant en vedette les fantômes qui dévorent les entrailles psychologiques de nos étoiles.
Malgré l’aspect fantastique de Maps to the Stars, le récit s’inspire de l’expérience personnelle de son scénariste, Bruce Wagner, alors qu’il était chauffeur de limousine à Hollywood (en quelque sorte le rôle campé par Robert Pattinson). On ne devrait donc pas se surprendre que les dialogues sonnent si vrai, précis, aussi absurdes semblent-ils. Un humour très noir s’y dégage, qui peut à la fois déranger et chatouiller. La combinaison de ce scénario assez extrême avec le style dangereux de Cronenberg allait de soi.
Séduit avant tout par le drame humain au coeur de l’histoire, le réalisateur de 71 ans souhaitait rester fidèle à l’honnêteté, peut-être un peu effrayante, des mots de Wagner. C’est pourquoi Cronenberg qualifie de « docu-drame » sa dernière aventure cinématographique, et rejette l’idée de satire, qui a perdu sa signification aujourd’hui. Son but n’était pas de se moquer de l’industrie hollywoodienne. Il a demandé à la distribution de jouer de manière aussi réaliste que possible, sachant que le côté comique se manifesterait grâce à l’essence même des situations mises en scène. Les spectateurs se retrouvent ainsi récompensés par des performances brutes remarquables, particulièrement des deux actrices principales, Julianne Moore et Mia Wasikowska. Moore a d’ailleurs déjà commencé à récolter des prix pour son rôle d’actrice hantée.
Maps to the Stars réunit de récurrents collaborateurs de « l’équipe cronenbergienne », du compositeur Howard Shore à la costumière Denise Cronenberg. On ne remarque pas tant leur apport à l’oeuvre, ce qui doit vouloir dire qu’ils ont réussi à travailler à l’unisson pour que triomphe la trame narrative, avec ses âmes exhibitionnistes, à la spiritualité empruntée, obsédées par l’idée d’exister. Ce commentaire social sur l’aberration de la condition humaine, emprisonnée dans son propre nombril, résonne bien plus que les quelques scènes visuellement perturbantes du film. Préparez-vous à un bad trip glamour difficile à digérer.
Maps to the Stars, le premier film de David Cronenberg tourné, en partie, aux États-Unis, a valu une nomination à la Palme d’Or à son réalisateur. Le film est disponible en DVD depuis le 21 avril 2015.