CRITIQUE DE À JAMAIS, POUR TOUJOURS, d’ALEXANDRA SICOTTE-LÉVESQUE
Texte : Karine Tessier
C’est à Khartoum, capitale du Soudan, que se rencontrent le Nil bleu et le Nil blanc. Les poètes affirment que cette rencontre est le plus long baiser de l’histoire. Mais sur le territoire de cette mythique étreinte, les conflits se succèdent. Après l’imposition de la charia par le président Gaafar al-Nimeiri en 1983, une guerre civile est déclenchée et oppose le nord musulman et le sud chrétien pendant plus de 20 ans. Les affrontements feront deux millions de victimes et quatre millions de personnes déplacées.
Suite à l’accord de paix signé en 2005, un référendum est organisé en 2011, au cours duquel 98,8 % de la population sud-soudanaise vote pour l’indépendance. C’est à ce point tournant de l’histoire du pays que nous retrouvons les protagonistes d’À jamais, pour toujours de la documentariste québécoise Alexandra Sicotte-Lévesque, qui y a travaillé à former des journalistes avec la BBC et l’ONU.
Ils sont six à nous raconter le Soudan du nord et celui du sud, déchirés entre leur amour pour leur pays et leur haine de la situation actuelle. Un jeune homme en pleine rupture amoureuse, chroniqueur pour une radio pirate. Une parlementaire qui a longtemps vécu à l’étranger. Une jeune mariée, qui couvre la campagne référendaire pour la radio de l’ONU. Une infirmière qui se maquille minutieusement avant d’enfiler son niqab. Un petit garçon adopté à l’âge de six ans par des Espagnols. Une jeune femme qui a dû fuir son village du Darfour après une attaque en pleine nuit.
En 2007, Alexandra Sicotte-Lévesque nous avait présenté Le silence est d’or, sur les répercussions de la présence d’une minière canadienne au Ghana. Pour son nouveau long métrage, qu’elle a coproduit avec Yanick Létourneau (Les États-Unis d’Afrique), elle a choisi de s’éloigner davantage de l’esthétique journalistique. En résulte un portrait intimiste du peuple soudanais, à des lieues de la couverture médiatique presque exclusivement consacrée aux affrontements armés ou à la charia.
On s’en voudrait de passer sous silence la superbe direction photo signée Katerine Giguère. Aux témoignages s’ajoutent des images d’une beauté à couper le souffle, présentant tour à tour la nature luxuriante du pays, son architecture et les colorées étoffes que revêtent les femmes. Des séquences à la limite du méditatif, qui font écho à l’attente dans laquelle vit ce peuple qui a soif de changement.
Présenté en première mondiale aux dernières Rencontres internationales du documentaire de Montréal, À jamais, pour toujours d’Alexandra Sicotte-Lévesque s’est vu accorder une mention spéciale par le jury du Prix Magnus-Isacsson, remis à un réalisateur canadien émergent auteur d’une œuvre témoignant d’une conscience sociale. Une distinction amplement méritée.
Sortie en salles: 29 novembre 2013.
Pour visionner la bande-annonce du film : http://vimeo.com/f3m/ajamaispourtoujours
Bonjour, en lisant votre page il y a une affirmation dont je voudrais avoir des informations : vous dites : que les poètes arabes l’appellent le baiser le plus long de l’histoire » – pour parler du point de rencontre entre nil bleu et nil blanc. Quel poète arabe a écrit cela? d’où tirez-vous cette indication? merci d’avance, Natali.
J’écris que plusieurs poètes ont utilisé cette expression. Cette affirmation est tirée du documentaire dont il est question.