CRITIQUE DE HISTOIRE HIPPIE (STONE STORY) DE JEAN-ANDRÉ FOURESTIÉ

Texte : Véronique Bonacorsi
HistoireHippie_affiche

Le terme « hippie » dans l’imaginaire collectif est teinté de clichés parfois peu reluisants. Danse psychédélique, consommation allègre de marijuana, préférences de pilosité douteuses… Mais derrière le nuage de fumée et les notes de rock, ce mouvement s’impose d’abord et avant tout comme une contre-culture désirant mettre fin aux injustices sociales. Le film Histoire hippie relate le parcours d’un de ces fervents rebelles.

Bordelais d’origine, nouvellement arrivé à Montréal, l’aspirant cinéaste Jean-André Fourestié se met à la recherche d’un logement en ville. Il tombe alors sur une annonce d’une colocation si peu chère qu’elle le laisse perplexe. En se rendant au vétuste immeuble du Mile-End, Fourestié rencontre Martin Stone, un homme de l’âge de son père, mais qui pose un regard très différent, libéré, sur le monde.

Au cours de leur colocation – partagée avec trois autres personnes –, Martin raconte son vécu, fascinant et particulier, au documentariste. En admiration devant un homme qui a tenu à poursuivre ses idéaux devant l’adversité, Fourestié propose de transposer ce récit dans un film. Une idée rejetée au départ par Martin. Puis, ce dernier voit dans ce documentaire le potentiel d’appliquer son mantra – paix, amour et ondes positives – à plus grande échelle et de peut-être changer pour le mieux la vie des spectateurs.

HistoireHippie_MartinStone

Histoire hippie, c’est donc en premier lieu l’histoire d’un hippie, Martin Stone, un sympathique homme d’âge mur qui vit dans la marginalité. Dans son grand et vieil appartement montréalais, Martin a su réunir une grande famille éclatée, toujours changeante, composée autant de voyageurs, d’étudiants, d’immigrants, des anglophones et des francophones, qui y restent quelques mois ou plusieurs années. Afin de subvenir à ses besoins monétaires que lui impose la société conventionnelle, Martin travaille à temps partiel comme gardien de sécurité et aussi comme acteur. Entre les scènes de jasette sur le balcon et les séances de jams où tous les styles sont permis, Martin témoigne de ses choix de vie. Des choix dans l’optique de créer un monde meilleur, et pourtant qui lui ont coûté sur le plan familial. Documentaire choral, le film rencontre aussi les deux filles du principal protagoniste, Deborah et Jacqueline, l’ex-conjointe de Martin, Suzanne, ainsi que le deuxième mari de celle-ci, Alan Katz.

Tel un membre invisible de la famille élargie de Martin Stone, la caméra s’intègre parfaitement aux scènes du quotidien des personnages. Il faut dire que ce quatrième film documentaire, premier en format long métrage pour le réalisateur-scénariste-monteur, a été tourné sur trois ans, ce qui a permis cette intimité. La mosaïque d’exposés, sur les notions personnelles de la liberté et des moyens pour y parvenir, se déroule au rythme d’une trame sonore omniprésente, mais non envahissante. Composée par Freeworm (né Vincent Letellier), la musique aux influences tant jazz qu’électro suggère l’introspection dans laquelle le documentaire plonge ses sujets.

Plus qu’un récit individuel, Histoire hippie évoque un drame familial, voire humain dans son sens le plus global. Alors que son chemin « anti-establishment » connaît son paroxysme lorsqu’il rejoint, en 1966, la Hog Farm, la plus importante communauté hippie nord-américaine, Martin délaisse son mariage et son emploi dans une agence de publicité à New York. Il réussit toutefois à convaincre la mère de ses deux filles d’amener ces dernières avec lui, quelques mois par année, et ce, pendant six ans. Une décision qui a laissé des marques pour Deborah et Jacquie, qui, aujourd’hui, avec le recul, réalisent que leur enfance leur a en quelque sorte été soutirée. Vivant dans une communauté d’adultes, sans réel cadre ni discipline, elles ont bien entendu connu des moments magiques, mais elles ressentaient surtout le besoin d’être normales, dans une famille normale. Comment donc prétendre sauver le monde lorsqu’on ne peut pas prendre soin de son monde?

Le film ne porte aucun jugement sur les vies que mènent Martin Stone ou sa famille, ne « démonise »personne. Il présente des individus aux destins entrecroisés, qui tentent de se forger une place dans un monde qui ne concorde pas nécessairement aux valeurs de tous. Avec honnêteté, et aussi avec humour, les Stone partagent avec nous des réminiscences assez objectives et parfois douloureuses, de même que les échos du passé dans leur réalité présente. Un portrait humain touchant, à voir, qui fait réfléchir sur nos propres choix qui ont construit nos chemins de vie respectifs.

Le film Histoire hippie de Jean-André Fourestié est en salles au Québec depuis le 26 août 2015.

Page Facebook officielle du film : www.facebook.com/HistoirehippieStoneStory

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